Le rêve américain


International / jeudi, juin 7th, 2018

La liberté d’entreprendre à l’américaine a surmonté de nombreux défis de taille au cours de son histoire. Elle est aujourd’hui confrontée à un nouveau problème : face à une opinion publique amère et une communauté mondiale sceptique, il lui faut prouver que la réponse aux problèmes du capitalisme américain ne consiste pas à restreindre le milieu des affaires, mais à le libérer. Cette délivrance est l’œuvre d’un président républicain et du Congrès. Les effets sur l’investissement en vue d’une croissance à long terme, sur l’accroissement de la concurrence, de la productivité et des salaires – effets qui feraient des États-Unis un endroit meilleur pour tous – sont encore en train de se mettre en place. “Face à une opinion publique amère et une communauté mondiale sceptique, il lui faut prouver que la réponse aux problèmes du capitalisme américain ne consiste pas à restreindre le milieu des affaires, mais à le libérer” Les cadres dirigeants savent que les enjeux sont considérables. Dans sa dernière lettre aux actionnaires de JPMorgan Chase, Jamie Dimon, le patron de la banque, s’inquiète du fait que “les jeunes aux États-Unis, qui vont effectivement hériter de la nation la plus riche de la planète, semblent pessimistes à l’égard de l’avenir et du capitalisme”. Larry Fink, le patron de BlackRock, la plus importante société de gestion d’actifs au monde, s’inquiète de “la frustration populaire et de l’appréhension face à l’avenir”. Cette frustration est facilement compréhensible. La dernière décennie s’est avérée formidable pour les actionnaires, mais pas pour la société dans son ensemble. Si l’on compare la période 2009-1017 à la moyenne des cinquante dernières années, les bénéfices après impôt ont augmenté de 31 % en pourcentage du PIB. Mais ces bénéfices ont été dépensés en rachats d’actions et fusions de confort visant à consolider le marché, plutôt qu’en investissement : la part de l’investissement dans le PIB a chuté de 4 points sur cette période par rapport à la moyenne des cinquante dernières années. Les salaires ont chuté de 10 %. La concurrence s’est affaissée, entraînant un ralentissement de la croissance de la productivité, moteur à long terme du niveau de vie. Début 2016, la croissance de la productivité du travail, faible en général dans les pays développés, était quasi nulle aux États-Unis. Face à tout cela, certains pays auraient entrepris de limiter et de contrôler la marge de manœuvre des entreprises. Les États-Unis ont fait le contraire. En novembre 2016, le pays a élu un Congrès et un président républicains, désireux de donner à “USA Inc.” un somptueux coup de pouce sous forme de réductions d’impôts et de déréglementation, agrémentés d’un supplément de protectionnisme. Tous les membres du parti ne sont pas d’accord sur cela. Mais presque tous croient dans le principe de réformes qu’ils estiment favorables aux entreprises, non seulement parce qu’ils ont une sympathie naturelle pour les propriétaires et dirigeants d’entreprises, mais aussi parce qu’ils pensent qu’elles finiront par bénéficier à la société tout entière. Dix-huit mois plus tard, la confiance des entreprises a grimpé en flèche. Bien que le président Donald Trump puisse paraître inquiétant ou désagréable aux yeux de certains d’entre eux, la plupart des chefs d’entreprise américains se félicitent discrètement du programme républicain. Les actionnaires sont toujours comme des coqs en pâte. Les bénéfices des entreprises de l’indice S&P 500 ont augmenté de 22 % au premier trimestre par rapport à l’année précédente, ou de 9 % si l’on exclut les effets positifs de la récente baisse d’impôts. La croissance est généralisée : 89 % des entreprises du S&P 500 enregistrent une hausse des ventes, contre seulement 36 % en 2009 ; le cycle précédent avait enregistré un pic de seulement 76 % en 2008. Blackstone, une société de capital-investissement, affirme que les bénéfices de son portefeuille d’entreprises croissent à des taux à deux chiffres, tout comme son rival, le groupe Carlyle. L’optimisme des 29 millions de petites entreprises flirte avec un record historique.